C’est un petit livre sans prétention que nous offre Nicolas Cavaillès. L’éditeur de Cioran cherche une explication au mystérieux saut des baleines et nous entraîne dans de profondes réflexions.
Improbable, voire incongru. Tel pourrait être le premier qualificatif à donner à ce petit livre hybride, ni vraiment un essai, ni vraiment une nouvelle, plutôt une sorte de catalogue d’éventualités, de pistes...
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C’est un petit livre sans prétention que nous offre Nicolas Cavaillès. L’éditeur de Cioran cherche une explication au mystérieux saut des baleines et nous entraîne dans de profondes réflexions.
Improbable, voire incongru. Tel pourrait être le premier qualificatif à donner à ce petit livre hybride, ni vraiment un essai, ni vraiment une nouvelle, plutôt une sorte de catalogue d’éventualités, de pistes de réflexion autour d’un sujet qui, avouez-le, n’est pas le premier de vos préoccupations : pourquoi le saut des baleines? N’était la rencontre avec l’œuvre et la vie d’un écrivain russe, peut-être même que le narrateur n’aurait lui-même pas essayé de creuser le sujet.
Guennadi Samoïlovitch, passé à la postérité sous le nom de Guennadi Gor, a notamment croisé le chemin d’«une baleine à l’agonie, sanglotant dans un océan de deuil». Une phrase, une image qui hanté l’auteur. L’ironie de l’histoire veut que son livre le plus connu s’intitule «La Vache» (Éditions Noir sur Blanc, 2004) et nous éloigne de ce qui va devenir l’obsession de son admirateur. Encore que…
Mais n’anticipons pas et revenons à nos cétacés dont Nicolas Cavaillès commence à dresser la galerie. Il est vrai qu’entre les différents types de baleines, les rorquals, les cachalots et le mégaptère, encore appelé baleine à bosse, jubarte ou poisson de Jupiter, il y a pléthore. Ce qui ne simplifie pas l’élucidation de LA question. Car ces monstres des mers ne sautent pas tous de la même façon, se permettant des fantaisies dans leur envol.
Le plus simple ne serait-il dès lors pas de considérer que «le saut de la baleine pourrait n’être qu’une réaction maladroite à une oisiveté insolite»? Mais alors, pourquoi se donner autant de peine? C’est un peu comme si un écrivain décidait d’écrire un livre cherchant une explication au saut des baleines pour tromper son ennui…
Alors, il faut creuser son sujet, chercher dans les publications scientifiques, convoquer les souvenirs de lecture. Voilà le Capitaine Némo à bord de son Nautilus en route vers les îles Féroé et, bien avant lui, Aristote venu à la rescousse. Devant l’aspect incongru du saut, on se souviendra aussi de ce fou dansant croisé par Dostoïevski durant son séjour au bagne d’Omsk qui lui inspirera «Souvenirs de la maison des morts». N’oublions pas non plus Glenn Gould interprétant les Variations Goldberg peu avant sa mort et nous aurons un panorama des réflexions – et digressions – que l’étude du mouvement entraîne.
Car s’il y a bien une certitude, Le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle le confirmera, c’est que la baleine retombe, provoquant dans sa chute une énorme vague. De quoi ébranler bien des certitudes.
On l’aura compris, il faut lire ce petit recueil comme un traité de l’incompréhension, comme une recherche d’autant plus belle qu’elle est vaine. «Nous ne saurons jamais pourquoi les baleines bondissent, ni même pourquoi nous nous le demandons. Ce maudit pourquoi se nourrit de tout, et ne recrache rien: dans le fond, on ne sait jamais pourquoi rien du tout.» Et c’est ce qui rend l’exercice aussi beau!
https://collectiondelivres.wordpress.com/2020/06/01/pourquoi-le-saut-des-baleines/
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