Ample et sévère. Voilà ce qui vient à l’esprit après avoir refermé Le fils, de Philipp Meyer. Presque sept cents pages et, pour autant, bien peu de fioritures. Le dispositif est simple : trois personnages d’une même famille, de trois générations différentes, évoquent chacun leurs souvenirs. Eli McCullough, dit Le Colonel, a été enlevé par les Comanches à onze ans. Il a participé à la conquête de l’Ouest...
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Ample et sévère. Voilà ce qui vient à l’esprit après avoir refermé Le fils, de Philipp Meyer. Presque sept cents pages et, pour autant, bien peu de fioritures. Le dispositif est simple : trois personnages d’une même famille, de trois générations différentes, évoquent chacun leurs souvenirs. Eli McCullough, dit Le Colonel, a été enlevé par les Comanches à onze ans. Il a participé à la conquête de l’Ouest avant de s’installer au Texas. Homme brutal et sans scrupules, il a bâti un empire foncier à coups de fusil, les premiers plombs étant pour ses voisins mexicains, installés de longue date. Son fils, Peter, est la deuxième voix du roman : opposé aux choix de son père, il ne parvient pas à s’affirmer face à lui. Sa bienveillance, son humanisme, sont perçus comme autant de faiblesses dans un monde d’ouvriers agricoles ignares et de vaqueros instinctivement violents, sur fond de révolution mexicaine. Jeanne-Anne, petite-fille de Peter, héritière de la fortune des McCullough, solitaire et finalement esseulée, dissimule ses turpitudes sous des airs d’inflexibilité. Fresque d’une tragédie familiale, roman de la naissance d’une nation sanguinaire, Le fils tient de l’épopée. Des trois voix, celle du Colonel est peut-être la plus marquante : son expérience de vie parmi les Comanches est la base de développements passionnants. Pour autant, le mal-être de Peter et de Jeanne-Anne – on ne forge pas un destin, celui du Colonel, sans briser des vies, celles de ses descendants – offre des pages superbes sur la psyché humaine et les batailles, vaines parfois, qu’on mène pour rester à flot.
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